Grand Hôtel Nord-Pinus, Arles. «C’est mon hôtel préféré au monde. » dit Jim Harrison.

«Nous avons eu une bonne dose de nature pendant une journée en Camargue, puis nous nous sommes rendus au Nord-Pinus d’Anne Igou à Arles, mon hôtel préféré au monde, sans exception.» – Jim Harrison

À son décès en mars 2016, Jim Harrison, le prodigieux écrivain et poète, a reçu en France l’admiration autrefois réservée aux rois – un véritable tsunami de distinctions et d’hommages dans la presse écrite et audiovisuelle. La France l’a pleuré comme l’un des leurs.

L’année précédente, une équipe de télévision française avait interviewé Jim dans ses repaires occidentaux pour documenter sa soif de vivre dans de grands espaces et à table (un appétit Pantagruélique). L’adoration française a engendré un surnom: Le Mozart de la Prairie.

François Busnel –  l’animateur et producteur de l’émission littéraire hebdomadaire La Grande Libraire sur France-5, était un grand admirateur de Jim Harrison qui était sur le plateau de l’emission plusieurs fois.

L’amour était réciproque. «La France est tellement en avance sur la façon de vivre la vie au jour le jour», a écrit Jim dans ses mémoires, Off to the Side. C’était une imagination colonisée, fantastiquement, par le vin et la nourriture.

Et naturellement, «… la France est devenue une retraite et un soulagement», où la bonne nourriture était devenue «un réconfort dominant dans sa vie».

Au milieu des années 90, Jim a écrit qu’il allait en France deux fois par an, car ses livres se portaient mieux en France qu’en Amérique.

L’écrivain américain Jim Fergus a décrit comment être à Paris avec Jim Harrison était «comme se promener avec Mick Jagger». Jim était «incroyablement célèbre en France», a-t-il ajouté.

Le magazine L’Obs a demandé à Jim pourquoi les Français le comblaient d’une telle vénération. Sa réponse:

«Pourquoi un pays choisit-il d’adopter un écrivain étranger? C’est peut-être parce que je parle des grands espaces sauvages. Les Français n’ont pas besoin d’entendre parler de New York, car ils ont déjà Paris – une ville bien plus intéressante que New York.»

Dans un épisode de «Parts Unknown» tourné avec Jim Harrison dans le Montana, Anthony Bourdain évoque en notes parfaites ce sentiment:

«Certaines personnes doivent vivre dans de grands espaces où le ciel est éternel. Là où tout le monde doit se pencher sur la terre. »

Jim Harrison en 2007 avec une bouteille de Bandol de Domaine Tempier. Credit: Jeff Topping/The New York Times/Redux

L’attraction gravitationnelle du Sud

Le sud de la France, où l’huile d’olive remplace le beurre du nord, a eu une attraction gravitationnelle sur Jim Harrison. Lorsqu’il sentait l’éclat de la pression sociale à Paris, il «courrait se mettre à couvert à Arles ou à Marseille».

Jim Harrison a dérivé vers la Bastide du Domaine Tempier à Bandol pour se mêler aux parangons d’une sensibilité culinaire accrue. Pendant seize années consécutives, Jim s’est aventuré au Domaine pour déguster les vins de Bandol et la cuisine provençale de Lulu Peyraud, rejoint parfois par Richard Olney, Alice Waters et Kermit Lynch. Ils étaient les conservateurs d’un plaisir richement texturé, comme Jim l’a rappelé:

«Lors d’un déjeuner interminable avec Olney et l’importateur de vin Kermit Lynch et sa femme Gail, photographe, j’ai goûté une succession de 15 ans de Bandols.»

Il y avait des voyages à Collioure, près de la frontière espagnole, pour rechercher les manuscrits du poète Antonio Machado, et pour se délecter des «vins splendides» du Domaine La Tour Vieille qui «tuaient la douleur de la goutte.»

Dans une interview à Nice-Matin, Lulu Peyraud a raconté que les derniers voyages de Jim ont inclus des hommages littéraires: un à la tombe de René Char, le poète, à L’Isle-sur-la-Sorgue, et un second aux cimetières d’un autre poète, Garcia Lorca, en Espagne.

Toujours Arles

C’était à Arles que l’âme de Jim était à l’aise. Perchée sur le Rhône, Arles est une ville où chaque surface publique porte une patine d’antiquité et les vestiges d’un passé ancien démantèlent la mémoire moderne dans des tons sépia. Jim a écrit sur son attachement affectueux à Arles:

«Je vais souvent à Arles où je loge habituellement dans un petit hôtel pour écrire – Le Nord-Pincus. L’hôtel dispose de chambres assez grandes pour y écrire. C’est mon hôtel préféré au monde. »

«L’effet du sud est immédiat. Une fois en écrivant pendant une semaine au splendide hôtel Nord Pinus à Arles, je suis devenu chaque jour moins sombre et tourmenté, de sorte que ce que j’écrivais là-bas était inhabituellement jubilatoire. Sans aucun doute, si j’écrivais tout un roman dans le sud de la France, je perdrais ma réputation gagnante de mélancolie.»

«La ville avec son antiquité écrasante est contenable pour que vous puissiez marcher ses frontières. Le marché est d’une splendeur polyglotte, moins bourgeois que les marchés d’Avignon et d’Aix-en-Provence, dont la vivacité vous mettra en appétit.»

«J’ai souvent pensé que si je recevais l’avertissement précoce que je décéderais tôt ou tard, je me rendrais à Lyon et je mangerais pendant un mois solide…. Peut-être que je nagerais jusqu’à Arles pour mon dernier souper.»

L’heure d’apéro – La Place du Forum

Le Grand Hôtel Nord-Pinus

Lieu emblématique d’Arles, le Grand Hôtel Nord-Pinus trône sur la place du Forum, le centre social de la ville.

Les atmosphères du Nord-Pinus sont caste boboïde chic mélangé de la nostalgie des jours glorieux. Les souvenirs fanés sont entassés d’un âge d’or des artistes et des écrivains. Les logements sont spacieux et bien aménagés. Vous ne vous sentez jamais pressé.

En juillet 2019, j’ai dérivé vers le Nord-Pinus. La saison estivale amène des tables entassées sur toutes les surfaces planes de la place du Forum.

Je me suis retrouvé dans la riche décoration de l’hôtel. J’ai regardé des photos de célébrités sur les murs du bar. Icônes françaises habituelles. L’image de Jim Harrison était absente. En sortant, je suis passé à la réception ou j’ai laissé ma carte à la réceptionniste avec un lien d’un article que j’avais publié sur Jim.

Le lendemain, j’ai rencontré un journaliste français, Eric Besatti, sur la Place. Ensuite, je suis retourné à la réception du Nord-Pinus. Ma présence fut accueillie avec une certain froideur. La réceptionniste affichait de la désinvolture à propos de Jim.

J’étais déconcerté. La réception glaciale ne correspondait pas à la mémoire récente. En 2017, j’ai écrit à la direction de l’hôtel pour confirmer certains détails des séjours de Jim à Arles. La réponse s’est conclue par:

«…nous allons y réfléchir en HOMMAGE à notre cher JIM. Il nous manque mais heureusement, son esprit est toujours très présent. Nous ne manquerons pas de boire un verre à sa mémoire; il aurait aimé.»

Par hasard, il y a le commentaire d’Instagram sur lequel que je suis tombé fait par une femme française, qui, entrant dans l’hôtel il y a quelques années, a été reçue ainsi:

 «…jai été accueillie par une adorable femme de l hôtel ravie de rencontrer une fan de Jim Harrison …. elle m’a fait visiter l’hôtel et les endroits où Jim passait du temps. Elle m’aurait même fait visiter sa chambre si celle-ci n’avait été occupée. … J’en suis encore reconnaissante et émue!»

En fait, aujourd’hui son esprit n’est plus présent. Jim Harrison a glissé dans l’oubli au Grand Hôtel Nord-Pinus.

En partant, la réceptionniste m’en a expliqué la raison: l’hôtel est sous une nouvelle direction. La nouvelle propriétaire de l’Hôtel Nord-Pinus est Maya Hoffmann, la grande patronne des arts, qui offre à la ville la magnifique Luma Arles.

Luma Arles: La Tour de Frank Gehry

Une plaque en l’honneur de Jim Harrison 

En octobre 2016, le maire Hervé Schiavetti a remis la Médaille de la Ville à Jim Fergus, qui a découvert Arles grâce à Jim Harrison, et comme Jim, a adopté Arles comme son point de chute en France. Au Nord-Pinus, Fergus est resté dans la chambre où Jim logeait.

L’heure a bien sonné pour honorer Jim Harrison avec une plaque dédiée à lui sur la place du Forum près du Grand Hôtel Nord-Pinus.

Le nouveau maire Patrick de Carolis a bien reconnu une occasion de rehausser le profil culturel d’Arles en commémorant Jim Harrison, un écrivain de la race des géants.

De ce fait, le maire de Carolis a confié un dossier aux conseillers municipaux pour rend hommage à Jim qui avait un grand attachement à la Petite Rome des Gaules.

##