Bonnieux – Un Havre de Paix

“Ce monsieur nous harcèle, on fait tache dans sa carte postale,” explique une voisine Rose.

Je suis né dans l’industrie à Hollywood. Du coup, je suis libre de ne pas l’aimer.

« Le cinéma est un média autoritaire. Ils vous vulnérabilisent puis vous dominent. » raisonnait l’écrivain David Foster Wallace. 

Vous vous retrouvez assis devant l’écran, entre les mains d’un réalisateur en qui vous pouvez avoir confiance ou dont vous pouvez vous méfier pour quelque raison que ce soit.

Ces sentiments latents se sont réveillés à la lecture des récits de presse sur les bouleversements de la vie familiale d’un couple. Une situation qui les rendait vulnérables à la perte de leurs moyens de subsistance. Le pire: sans sortie.

La mise en scène: Oppede, un village paisible posé au pied du versant nord du Petit Luberon à côté de Ménerbes. C’est ici que le couple, Rose et Christophe, en 2004 ont acheté un terrain d’un hectare pour que Rose puisse l’utiliser en agriculture biologique en augmentant leurs revenus pour élever leurs enfants.

Le metteur-en-scène de ce drame: leur voisin, le richissime cinéaste Ridley Scott, méga producteur et maître réalisateur dont le film Napoléon s’ouvre en novembre provoque des chuchotements bruyants dans les couloirs de la gloire des Oscars.

En fin 2009 et en 2010, une grosse vague de reportages a arrosé la curiosité des lecteurs. Voici quelques extraits de reportages issus de trois sources dont les liens se trouvent à la fin de cet article.

Les Coupures de Presse

Le Dauphine libéré – 21 / 01/ 2010

À Oppède, dans le Vaucluse, Ridley Scott ne supporte pas les poules de Rose. L’illustre réalisateur de “Gladiator” croise le fer avec la volaillère, multiplie les plaintes et les procédures. Mais la justice, jusqu’à présent, ne lui a pas donné raison…”Ce monsieur nous harcèle, on fait tache dans sa carte postale”, explique-t-elle (Rose), en énumérant les tracas qui l’accablent. Tout commence par une lettre cinglante du “British”, arrivée par porteur spécial : “J’aime le Luberon, ce que vous faites le défigure. Vous ne respectez pas la beauté de ces lieux”.

La Provence – 21/11/2009

Scott – qui réside quinze jours par an dans le Vaucluse – fait intervenir une batterie d’huissiers et d’hommes de paille pour constater et exiger le démontage de ce qu’il considère comme des verrues dans son paysage : serres, portail, tranchées, haie d’arbustes, cabanons, bâtiments mobiles… Même la cabane des enfants en palettes et un cabanon sur le terrain du voisin sont répertoriés!

Le Journal de Dimanche (JDD) – 20/12/2009

Nouvel émissaire quelques mois plus tard: Julie Payne, une actrice américaine de seconde zone, accompagnée d’une traductrice. “M. Scott, expose-t-elle, trouve que les arbres que vous avez plantés pour occulter les serres ne poussent pas assez vite.” Le cinéaste propose de financer une haie de 4 m. Rose éructe: “Une telle ombre sur nos serres, c’était la mort de nos maraîchages!” L’actrice est revenue à la charge: “Et un chèque de 70.000 euros pour vous installer ailleurs?” Attablés dans leur petite maison, où l’on slalome entre des seaux remplis d’oeufs frais, les époux Orset n’ont toujours pas digéré cette humiliation. “Je travaille seize heures par jour, raconte Rose. J’ai déjà plié deux voitures tellement je suis fatiguée à la fin de mes tournées quand je vais livrer les Amap [Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne] de la région.

Le Dauphine libéré – 21 / 01/ 2010

Son mari, Christophe – professeur de dessin à Avignon – confirme : “M. Scott se prend pour un seigneur et nous traite comme ses manants. Jamais il n’a daigné nous rencontrer, on aurait pu discuter entre gens civilisés, d’autant que ma femme parle bien l’anglais… La vérité, c’est qu’il convoite notre parcelle pour y installer un chai viticole.”

Le réalisateur, aux subtilités de la vie locale, oppose une frénésie procédurale. “C’est le genre à poursuivre le mistral en justice parce que le vent le dérange”, ricanent quelques riverains.

La Provence – 21/11/2009

Un coup pour contester un permis de construire, un autre pour se plaindre du caquètement des poules (sic) : Scott en est à sa 6e assignation au tribunal en cinq ans. Il en a perdu trois; les 3 autres étaient jugées hier pour la construction d’un hangar, et deux permis de construire, jamais délivrés. “Il nous surveille à chaque fois qu’on bouge le petit doigt. On vit un enfer“, lâche Christophe Orset, qui habite le village depuis plus de 30 ans.

Note de bas de page: Six procédures sont menées contre la mairie pour un coût de 2 600 euros chacune. Résultat du procès devant le tribunal administratif de Nîmes, au 12 décembre dernier, 2009, de nouveau débouté et (Scott) condamné à verser un total de 4 000 euros à la commune d’Oppède au titre des frais de justice”!

JDD – 20/12/2009

Il cherchait vraiment la petite bête“, commente un voisin. C’est l’époque où le village prend peu à peu le parti de Rose. Jusque-là, quand, au marché, elle disait qu’un milliardaire lui cherchait des noises, elle passait pour “une grosse mythomane“. Tout le monde pensait que Scott souffrait d’un classique “syndrome du Parisien”: “Après deux ou trois étés, les propriétaires de résidences secondaires se liguent pour bloquer le moindre projet qui risquerait de perturber la carte postale qu’ils se sont offerte“, foi de vieil Oppédois.

Au marché d’Oppède, vers 2009, Rose vend ses œufs bio.

Denouement

Voilà, les années ont passé, et encore des années sans aucun reportage sur la situation à Oppède.

À l’été 2022, lors d’un long séjour en Provence, j’ai tenté de contacter Christophe pour avoir des nouvelles. C’est raté notre rencontre. Nous avons plutôt échangé des courriels.

A vrai dire, j’ai découvert quelque chose d’hallucinant. Bouche bée quoi.

Tout d’un coup, en 2018, après que Christophe et Rose aient enduré 14 années de procédures judiciaires, Ridley Scott s’est calmé compte tenu de la tragédie qui leur est arrivée il y a 12 ans.

Par ailleurs, à ce temps-la, la situation devenait pour eux intenable avec et surtout les instances agricoles, la Mairie…etc. 

Une entente cordiale est arrivé à pic. Suite à un accord financier avec Ridley Scott en 2018, la famille de Rose et Christophe s’était installée à Bonniuex.

Christophe rapporte que sur Bonnieux, ils ont trouvé un havre de paix où ils ont changé complétement de vie.

En fin, bref, un long métrage de 14 ans arrivé à une Happy Ending. C’est Hollywood!

Sources

La Provence: Publié le 21/11/2009,  https://bit.ly/3YVgSec

Le Journal de Dimanche (JDD): Publié le 20/12/2009. https://bit.ly/3PeXeH2

Le Dauphine: Publié  le 21 / 01/ 2010,  https://bit.ly/3sA7MaF